Paul EUDELINE
FILM

Entwenden
Les rouges, les verts et les bleus






Fenêtre de l’Alma
[Monté-composé]
France - Lyon / 04-06-22 / Couleur / Silencieux / 18’


Lien film : https://vimeo.com/826691307


Comme point d’origine du gémissement sensible de la captation :

Recadrage sur une fenêtre rue de l’Alma d’après plusieurs captations, remonté et recomposé par fondu.

La composition témoigne d’une volonté de retranscrire les fluctuations de formes et de couleur comme point d’origine du gémissement sensible de la captation — de cet agglomérat de photogrammes aux formes et couleurs diverses provoquant oscillations et vibrations dans le sein de l’image mouvante.

Un objet en constante consumation de son image dont ces bordures dévorées par l’obscurité ne reflètent que la résistance de la matière-lumière à faire apparaitre ladite image — ici d’une fenêtre amenant sur le flou d’un intérieure d’appartement — par l’outil de captation.

Le sujet, dont la représentation est semblable à un morceau de pellicule mis en lumière, renvois à l’idée de la considération du support, ici numérique, comme marqueur sensible autant que sa représentation et où le contenu ne serait convoqué que par la trace fantomatique — en fondu — de quelques silhouettes, entre empreinte passée d’une narrativité et nouveau balbutiement narratif, car, dirigeant néanmoins le rythme du film et définissant sa durée.



• « Les images montrent toujours les différences qui font l’individu, tandis que les mots se forment sur les ressemblances qui forment le type. (...)
Non seulement les images animées ne désignent que des individus, mais encore, de chaque individu, elle montre cent manières d’être différentes. (Au cours d’un travelling, le petit siège du salon change continuellement d’aspect). »
(Jean Epstein, écrits complets, volume VI, p. 77.)

• « Telle est aussi la clairvoyance du cinématographe qui représente le monde dans sa mobilité générale et continue. Fidèle à l’étymologie de son nom, où notre oeil ne voit que repos, lui, il découvre des mouvements. Déjà, il ne se contente plus de reproduire la trajectoire des plans, il recrée celle des sons, il va saisir celle des volumes et des couleurs. » (Jean Epstein, écrits complets, Volume VI, p. 88)

• « Le film nous révèle des aspects de nous-même que nous n’avions encore jamais vus ni entendus. Non seulement l’image cinématographique d’un homme est différente de toutes ses images non cinématographiques, mais encore elle est continuellement différente d’elle-même. (...) » (Jean Epstein, écrits complets, Volume VI, p.100)

• « On remarque parfois, dans tel ou tel film, une petite suite d’images, qui reste inoubliable. Par exemple : au milieu des ruines de Varsovie, une fenêtre ou, plutôt, ce qui en reste : l’encadrement de maçonnerie, demeuré seul miraculesement debout, ébréché par les bombardements. Sur le rebord de cette plaie béante, deux mains reposent le plus commun des pots de fleurs et un visage de femme passe à profil perdu... C’est tout et c’est immense. Ce sign visuel, qui dure trois à quatre secondes, éveille tout un monde d’émotions et d’idées, remplace vingt pages de commentaire, résume cinq ans d’histoire... Ne serait-il pas intéressant de relever, dans un assez grand nombre de films, tous les brefs groupements d’images, pourvus d’une semblable puissance d’expression et d’en étudier le mode d’action ? Action qui s’exerce avec une vitesse supérieure à celle de la pensée consciente, avec une vitesse dans le déclenchement de l’émotion et de l’évocation, qui n’est comparable qu’à celle de la musique » (Frédéric Joliot-Curie dans Jean Epstein, écrits complets, volume VI, Le professeur Joliot-Curie et le cinéma, p.263-264)


• « Je vois fleurir bien haut, dans la solitude nocturne, une lampe inconnue derrière une fenêtre. Tout le reste de la ville est obscur, sauf aux endroits où de vagues reflets de la clarté des rues montent faiblement et posent ici et là, très pâle, un clair de lune inversé. Dans le noir de la nuit, les maisons elles-mêmes font peu ressortir leurs couleurs diverses, leurs nuances : seules de vagues différences, comme abstraites, irrégularisent cet amoncellement de toits.

Un fil invisible me relie au propriétaire anonyme de cette lampe. Ce n’est pas la circonstance commune de nous retrouver tous deux éveillés : il n’y a pas là de réciprocité possible car, me tenant moi-même à la fenêtre dans le noir, il ne pourrait en aucun cas m’apercevoir. C’est quelque chose d’autre et qui n’appartient qu’à moi, qui a quelque lien avec ma sensation d’isolement, qui participe de la nuit et du silence, qui choisit cette lampe comme point d’appui, parce que c’est le seuil qui existe. Il semble que ce soit cette lampe qui rende la nuit sombre. Il semble que ce soit parce que je suis là, éveillé et rêvant dans les ténèbres, que cette lampe éclaire.

Peut-être que tout ce qui existe n’existe que si autre chose existe. Rien n’est par soi-même, tout coexiste : peut-être est-ce bien ainsi. Je sais que je n’existerais pas, en cette heure – ou du moins que je n’existerais pas de cette façon, avec cette conscience immédiate de moi-même qui, étant conscience, et immédiate, est en ce moment moi tout entier –, si cette lampe n’était pas allumée là-bas, quelque part, phare qui ne signale rien dans son privilège fictif d’altitude. C’est ce que je ressens parce que je ne ressens rien. Je pense tout cela parce que tout cela n’est rien. Rien, rien, une partie de la nuit, du silence et de ce qu’avec eux je suis de nul, de négatif, d’intercalaire, espace entre moi et moi-même, chose-oubli de quelque dieu… »
(Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Le livre de l’intranquilité, 441, 8 septembre 1933)


• « Il fait nuit. Très sombre est la nuit. Dans une maison à une grande distance
brille la lumière d’une fenêtre.
Je la vois, et je me sens humain des pieds à la tête.
Il est curieux que toute la vie de l’individu qui habite là, et dont j’ignore l’identité,
ne m’attire que par cette lumière vue de loin.
Sans nul doute sa vie est réelle, il a un visage, des gestes, une famille et un métier.

Mais maintenant seule m’importe la lumière de sa fenêtre. (...) ».
(Fernando Pessoa (Alberto Caeiro) : Poèmes Désassemblés, Dans « Le gardeur de troupeaux ... » p.132)


• « Pourquoi y a-t-il une différence entre une fenêtre et une autre, pourquoi une différence, parce le rideau est plus court. »
(Gertrude Stein : Tendres boutons, p.81)


• « Une rue tranquille, non loin de son appartement ; il aperçoit haut dans le ciel de nuit, une seule lucarne allumée, d’un jaune rougeâtre. Il s’arrête. »
(Peter Handke, Histoire d’enfant, édition du monde entier, p. 80)










Information technique :

Séquences d’origine:
Repère : 100_0027, 100_0028, 100_0030
Captation : Du Sam. 04/06/22 à 23h46 au Dim. 05/07/22 à 01h01
Durée : 20min26, 20min19, 13min36
Format : 1280x720 px. [Ratio 16:9]



Séquences définitives:
Titre : Fenêtre d’Alma
Séquence d’origine : 100_0027, 100_0028, 100_0030
Durée : 18min17
Format : 1920x1080 px. [Ratio 16:9]

Luminosité : 0,0
Contraste : 14,0